RECRUTEMENT EXTERNE OU MOBILITE INTERNE, VOTRE CŒUR BALANCE ?
Si vous demandez à un chef d’entreprise ou à un professionnel des RH quelle est l’une de leur préoccupation première actuelle et à venir, ils vous répondront très certainement … le Recrutement.
« Acquérir les bons talents est la clé principale de la croissance … L’embauche était – et est toujours – la chose la plus importante que nous faisons » (Marc BENNIOFF, chef d’entreprise américain).
Une entreprise sans Ressources Humaines, compétentes qui plus est, aura du mal à fonctionner et surtout à se développer.
Même si la tendance semble s’améliorer en 2024 (cf enquête annuelle de France Travail), le défi reste immense puisque plus de la moitié des entreprises disent éprouver des difficultés à recruter (57,4% sur 2024 vs 61% sur 2023) !
Le nombre insuffisant de candidats (85%) et des profils inadéquats (76%) sont les principales causes mises en avant par les recruteurs.
Sur le 1er trimestre 2024, selon la DARES, ce sont plus de 535 000 postes qui restent vacants.
Face à ces difficultés, les entreprises doivent s’adapter, changer leurs habitudes, innover.
Recruter en externe reste encore, et malgré tout, la règle dans beaucoup d’entreprises. On invoque un choix de profils plus large et donc plus de chance de trouver le bon candidat, l’acquisition d’une expertise complémentaire/supplémentaire, la possibilité d’un regard neuf sur l’entreprise et son organisation et donc l’opportunité d’améliorer ses performances ou encore l’occasion d’insuffler une nouvelle dynamique d’équipe.
C’est exact, dans une certaine mesure, mais faut-il encore parvenir à capter, à recruter le bon candidat et à le retenir !
Or, malgré les efforts consentis par les entreprises pour parvenir à embaucher, il s’avère que 43% des personnes recrutées commencent à rechercher un nouveau travail dans les 12 1ers mois (68% pour les millenials). Preuve que cela n’est pas chose aisée !
Alors pourquoi ne pas pourvoir ses postes vacants via la mobilité interne ? et pourquoi ne pas ouvrir encore plus le champs des possibles en faisant évoluer ses collaborateurs alors même qu’ils travaillent sur d’autres sites en France ou à l’étranger. La mobilité géographique peut en effet être un outil précieux au service des entreprises afin de pallier à leurs difficultés de recrutement à la condition cependant qu’elle soit anticipée et accompagnée en interne ou en externe, par exemple, par des professionnels compétents.
En tout état de cause, la mobilité interne, qu’elle soit géographique ou non, est plébiscitée par les entreprises et par les collaborateurs mais reste aussi la méthode de recrutement … la moins utilisée. Pour reprendre une expression que je trouve très juste (cf étude myRhline), « les entreprises sont davantage croyantes que pratiquantes » sur ce sujet.
Et pourtant … les avantages en sont nombreux : recruter en interne permet de gagner un temps précieux comparé à un recrutement externe et, par conséquent, de minimiser les coûts mais elle doit permettre également de réduire le risque d’« erreurs de casting ».
La mobilité interne ou le choix d’un gain de temps.
Le processus de recrutement externe compte un certain nombre d’étapes incontournables à respecter :
- l’évaluation du besoin avec la Direction/les managers et la définition du profil recherché,
- la rédaction de l’annonce de recrutement,
- l’identification des canaux de recrutement et la publication de l’offre d’emploi,
- le sourcing,
- la présélection des candidatures reçues,
- la sélection des candidats retenus via des entretiens notamment,
- les formalités d’embauche,
- l’accueil et l’intégration du nouveau collaborateur,
- etc.
Si l’entreprise veut mener à bien son projet de recrutement, cela nécessite que chaque étape soit réalisée avec la plus grande attention : l’évaluation la plus juste du besoin à pourvoir de même que la rédaction d’une annonce attractive, le tri des CV sur des postes recevant beaucoup de candidatures ou, au contraire, la recherche de candidats pour des postes en tension sur lesquels très peu se positionnent, des entretiens d’embauche de qualité, etc., tout cela prend du temps, énormément de temps ! Ce sont tout autant de tâches chronophages qui s’ajoutent déjà à la longue liste des missions que les services RH ont à gérer au quotidien.
Si on prend comme point de départ la définition du besoin, il faudrait plusieurs mois (entre 2 et 3) pour finaliser un recrutement externe. Un autre chiffre révélateur : 32 jours, c’est la durée moyenne du processus de recrutement en France, de la rencontre du candidat jusqu’à son embauche.
Un processus long avec le risque, dans un environnement concurrentiel et pénurique, de perdre en cours de route les meilleurs candidats au poste et de devoir revenir à la case départ.
Si l’entreprise fait le choix de confier le poste à un de ses collaborateurs en interne au contraire et sous condition que cette mobilité soit bien gérée, on estime que le temps de « recrutement » peut être divisé par 2.
Tout d’abord, la mobilité interne peut permettre de pourvoir des postes sur lesquels il aurait été difficile de recruter en externe par manque de candidatures ou de profils adéquats.
Dans le cas présent, soit un candidat au sein même de l’Entreprise s’est porté volontaire pour prendre le poste et sa candidature a été validée par sa hiérarchie (mobilité à l’initiative du salarié), soit un collaborateur a été identifié comme ayant le potentiel pour tenir le poste et il l’a accepté (mobilité à l’initiative de l’employeur). Dans tous les cas, le candidat au poste est trouvé et son profil doit correspondre au besoin à pourvoir.
Également, et par voie de conséquence, les services RH pourront passer sur certaines étapes, on l’a vu, très chronophages d’un recrutement externe telles que la rédaction d’une annonce de recrutement, sa diffusion, la recherche de candidats, le tri de CV, le contrôle des références, etc.
A ce stade et sans minimiser l’importance des entretiens qui seront réalisés par la nouvelle équipe (Direction/RH/manager) dans le cadre du processus de mobilité interne et avant toute décision finale, il me semble essentiel de mettre en avant l’importance de l’évaluation en interne du collaborateur ! Pour que la mobilité soit une réussite, il est essentiel que le collaborateur ait été évalué efficacement et objectivement en amont, d’une part, pour valider que son profil correspond bien à celui recherché et qu’il n’y aura pas de mauvaises surprises et, d’autre part, pour identifier l’accompagnement adéquat à mettre en place pour une tenue efficace du nouveau poste. Et, dans cette étape d’évaluation, les managers ont, bien sûr, le 1er rôle !
Enfin, une fois le recrutement en interne finalisé, l’accueil et l’intégration du collaborateur dans une autre entité de l’Entreprise devrait également prendre moins de temps. Non pas que le collaborateur en interne ne devra pas être accueilli, intégré et formé comme il se doit, loin s’en faut, mais son accueil et intégration seront facilités.
Le nouvel entrant faisant déjà partie des effectifs de l’Entreprise, le service RH disposera donc des informations principales le concernant, la gestion administrative sera donc simplifiée.
De même, il connaitra déjà l’Entreprise, son mode de fonctionnement global, il retrouvera peut-être certains des interlocuteurs de son précédent poste, il aura certainement déjà suivi des formations en interne, etc. Il sera donc possible de s’appuyer sur son expérience antérieure connue et partagée pour le faire grandir dans son nouveau poste.
La mobilité interne ou le choix d’une réduction des coûts.
Le recrutement externe comprend des étapes incontournables qui consomment des ressources de l’entreprise et qui sont génératrices de coûts. Ces coûts se traduisent soit en temps, soit en dépenses directes.
Rentrons un peu plus dans le détail : pour calculer ce que coûte un recrutement, il faut ajouter l’ensemble des dépenses générées tout au long du processus.
On en distingue généralement 2 types :
- les coûts directs, c’est-à-dire ceux liés au recrutement lui-même :
- les frais de diffusion des offres d’emploi (diffusion payante sur les jobboards, campagne de publicité sur les réseaux sociaux), de sourcing des candidats (accès payant à des CVthèques, etc.), ceux relatifs aux logiciels de recrutement, aux éventuels tests d’évaluation des compétences et de personnalité, l’appel à un prestataire externe, les dépenses engendrées par les entretiens de recrutement en terme de déplacement, de restauration, etc.
- le temps passé (et donc la rémunération correspondante) par la personne chargée du recrutement à publier l’offre, rechercher et démarcher des profils intéressants, trier les CVs reçus, communiquer avec les candidats, réaliser des entretiens, le temps passé par les managers participant au recrutement est également à prendre en compte prorata temporis.
- les coûts indirects, c’est-à-dire les conséquences financières du recrutement : ils peuvent avoir trait à l’accueil du nouveau collaborateur avec, par exemple, l’impression de son livret d’accueil ou l’achat de son ordinateur, à son intégration et à sa formation, on peut y intégrer les frais de gestion administrative (formalités d’embauche et autres) et même les frais découlant d’une embauche ratée.
On estime que le coût d’un recrutement externe, intégration comprise, se situe entre 15 et 25% du salaire annuel brut du candidat recruté, ce chiffre atteindrait même 25 à 35% dans le cas d’une recherche de profils qualifiés, pénuriques ou de management.
C’est beaucoup … alors peut-être est-il opportun de véritablement se pencher sur les solutions permettant de réduire ces coûts notamment la mobilité interne.
Nous l’avons vu précédemment, la mobilité interne, en ce qu’elle offre la possibilité de pourvoir un poste et d’intégrer le nouveau collaborateur plus rapidement, permet de faire des économies de temps : pour le RH qui gère le recrutement et pilote l’onboarding, pour le manager qui participe à certaines étapes du recrutement et est partie prenante de l’accueil et de l’intégration du collaborateur, etc.
Et qui dit économies de temps, dit économies d’argent puisque ce sont autant d’heures de travail (et donc de salaire) qui ne seront pas affectées à l’embauche d’un collaborateur et que les RH et managers pourront consacrer à d’autres missions.
La mobilité interne permet également de réduire voire supprimer certaines dépenses directes.
Dans le cadre d’une mobilité interne, il ne sera, par exemple, pas nécessaire de diffuser l’offre d’emploi sur un jobboard payant (l’entreprise dispose de ses propres canaux de communication internes, pas ou peu coûteux), de dépenser de l’argent pour avoir accès à des CV (le ou les candidats ont été identifiés au sein de l’Entreprise) ou encore de faire appel aux prestations d’un cabinet de recrutement.
Au global, la mobilité interne couterait 18 à 20% moins cher qu’un recrutement externe (cf étude Wharton) ! De quoi donner à réfléchir aux entreprises soucieuses de réussir à pourvoir leurs postes vacants tout en minimisant leurs coûts et surtout en développant leurs propres collaborateurs.
Et si on ajoute à ça le fait que la mobilité interne doit permettre de limiter considérablement les «erreurs de casting » et de s’éviter donc un nouveau recrutement sur le même poste, l’économie est plus que substantielle.
La mobilité interne ou le choix d’une minimisation des risques d’erreurs de recrutement.
Selon le Ministère du Travail, 13% des candidats reçus à l’issue d’un processus de recrutement quittent leur poste de travail avant la fin de leur période d’essai et plus de 30% avant la fin de la première année.
Les raisons peuvent être multiples :
- une pénurie de candidats au recrutement ayant entrainé l’embauche d’un collaborateur dont les compétences et/ou le savoir-être ne correspondent pas au poste (souvent, l’entreprise s’en doutait dès le départ mais a préféré prendre le risque et a recruté malgré tout),
- un recrutement mené trop rapidement devant l’urgence du besoin au détriment d’une bonne évaluation du candidat,
- un décalage entre les promesses faites au nouvel embauché en amont et la réalité du terrain en terme de missions, de conditions de travail, d’organisation,
- une mauvaise entente dans l’équipe (avec la hiérarchie et/ou les autres collaborateurs),
- un problème d’alignement avec les valeurs de l’entreprise, sa culture,
- etc.
On parle alors de recrutement raté et il peut coûter très cher à l’entreprise : 2 à 3 fois son coût initial selon les postes correspondant aux coûts de départ du collaborateur, de remplacement et de prise de fonction de son successeur.
Jusqu’à 200 000 € si on en croit certains !
A cela, s’ajoutent d’autres conséquences difficilement évaluables financièrement.
En effet, le départ prématuré d’un collaborateur peut entrainer la démotivation de ses collègues, l’usure et la fatigue de ceux qui restent et qui doivent le suppléer pendant un laps de temps plus ou moins long, une perte d’efficacité et de productivité de l’équipe et même une potentielle perte de savoir et savoir-faire dans l’attente de l’arrivée du remplaçant.
Au regard des impacts humains, organisationnels et financiers, il est donc dans l’intérêt de l’entreprise et de ses salariés de veiller à limiter au maximum les mauvaises surprises !
La mobilité interne est, sans nul doute, une des solutions.
56% des organisations qui disposent d’un processus de mobilité interne considèrent que ce type de recrutement est plus performant que le recrutement à l’externe.
Selon une étude de Matthew Bidwell, les recrutements externes s’avèrent moins performants que les « internes » sur les 2 premières années et ce malgré un niveau de formation et d’expérience supérieur. Recruter un collaborateur en interne est donc nettement moins risqué.
Pourquoi cela ?
S’agissant de l’entreprise, elle connait déjà très bien le collaborateur notamment sur le plan opérationnel, elle a pu évaluer en pratique ses forces et ses faiblesses, elle a validé qu’il partage les valeurs de l’entreprise et adhère à sa culture. Il est donc plus facile pour elle d’identifier quel poste il a la capacité ou le potentiel de tenir et l’accompagnement que cela nécessite.
Quant au collaborateur, il connait le mode de fonctionnement global de l’Entreprise, son organisation, ses processus, sa stratégie ainsi que sa culture et ses valeurs et on peut imaginer que, s’il accepte de continuer l’aventure en son sein, cela signifie qu’il adhère à toute ou partie de ses composantes. Son intégration n’en sera que plus rapide et réussie !
Conclusion
Vous l’avez compris, la mobilité interne constitue donc une alternative au recrutement externe permettant un gain de temps, une réduction des coûts et une limitation des risques d’erreur.
Malheureusement, toutes les entreprises ne peuvent pas la mettre en œuvre, les opportunités de recruter en interne restant limitées voire inexistantes dans les TPE/PME n’ayant pas un réservoir suffisant de ressources humaines. Dans ce cas, ces dernières n’auront alors d’autres choix que de passer par la case « recrutement externe » pour grandir et se développer.
Mais, lorsqu’elle est possible, elle constitue un formidable levier de croissance sous réserve de respecter, à mon sens, certains points de vigilance :
- la mobilité interne doit être anticipée, l’objectif n’étant pas de pourvoir un poste d’un côté et de mettre à mal l’équilibre d’une autre équipe dans le même temps,
- elle doit reposer sur des bases solides, une juste analyse des postes de l’Entreprise et de l’évaluation des salariés qui la composent,
- elle ne doit pas avoir pour conséquence de bâcler l’intégration et la formation du nouveau collaborateur parce que, bien que faisant partie de l’Entreprise, il a besoin d’un accompagnement sur son nouveau poste, site, d’une adaptation à sa nouvelle équipe, son nouvel environnement, etc.
- il est nécessaire de gérer les éventuels mécontentements, frustrations, jalousies des autres collaborateurs de l’entreprise, pouvant mettre à mal la cohésion de l’équipe et être contre-productifs, par une communication maîtrisée,
- la mobilité interne doit être combinée au recrutement externe pour éviter à l’entreprise de fonctionner en vase clos et de passer à côté de potentiels talents, d’un regard neuf, d’un nouveau souffle,
- et, enfin, la mobilité interne, en particulier géographique, doit faire l’objet d’un accompagnement adapté et, sur ce point, je ne saurais que conseiller aux entreprises notamment de se rapprocher d’agences de relocation locales (parce qu’avec une connaissance de la région d’accueil et de ses spécificités) et compétentes afin de faciliter l’arrivée du collaborateur dans sa nouvelle vie, région, entreprise et de faire de ce changement une expérience réussie.
Dirigeants/RH, qu’en pensez-vous ? quelles sont vos pratiques en terme de recrutement ? quelles problématiques rencontrez-vous ? quel est votre part de recrutements via l’externe et l’interne ? le cas échéant, quels sont vos freins à utiliser la mobilité interne comme méthode de recrutement ?