LA MOBILITE INTERNE, LEVIER DE STABILITE AU SEIN DE L’ENTREPRISE ?
Parvenir à recruter des collaborateurs capables de faire fonctionner l’Entreprise et de contribuer à son développement constitue, on l’a dit (cf article précédent « Recrutement externe ou mobilité interne, votre cœur balance ? »), l’un des principaux défis auxquels sont confrontés actuellement les chefs d’entreprise et les professionnels RH.
Et, lorsqu’ils y arrivent, encore faut-il que ces Ressources Humaines restent, à défaut de quoi, il sera nécessaire de repasser, à plus ou moins long terme, par la case « recrutement » avec toutes les difficultés et les coûts que cela engendrera.
Dans un contexte de pénurie et donc de guerre des talents, savoir conserver ces derniers est un enjeu crucial pour toute Entreprise !
En France, 24% des salariés envisagent de quitter leur emploi dans les prochains mois (sondage YouGov pour Talent.com de septembre 2022).
Et ce n’est pas un phénomène franco-français mais bien mondial : selon un rapport Great Attrition, Great Attraction 2.0 de juillet 2022, 45% des personnes interrogées (+ de 13000 salariés dans le monde) ont démissionné ou prévoient de démissionner en cours d’année. Et, dans le top 3 des motifs invoqués, on retrouve le manque de développement et d’évolution des carrières (41%), une rémunération globale inadéquate (36%) et des dirigeants peu attentifs et peu attrayants (34%).
Alors quelles solutions s’offrent aux employeurs pour donner à leurs salariés l’envie de s’investir et de s’inscrire dans la durée ?
Et si la clé de la STABILITE des collaborateurs au sein d’une Entreprise résidait justement dans la MOBILITE interne ?
« La mobilité et la stabilité ne sont pas antinomiques : un cycliste n’est stable sur sa bicyclette qu’en avançant » disait Jacques CHIRAC.
Un salarié n’aurait envie de s’engager dans son Entreprise et d’y rester que parce qu’il y verrait la possibilité d’évoluer, d’avancer en son sein.
La mobilité interne est, sans aucun doute, un des leviers les plus performants pour engager et fidéliser ses collaborateurs mais, pour cela, sa mise en œuvre devra se faire selon certaines conditions.
La mobilité interne, un gage de stabilité indéniable.
Les collaborateurs sont de plus en plus volatiles, la tentation d’aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs est grande. Or, un turnover important menace le fonctionnement présent de l’entreprise comme ses perspectives d’avenir. En effet, quelle image véhicule cette dernière aux potentiels candidats qui ont connaissance d’un nombre important de départs ? une très mauvaise image sans aucun doute.
L’Entreprise doit donc trouver les moyens de conserver ses talents. Et la mobilité interne est un de ces moyens, incontestablement !
Offrir des perspectives réelles d’évolution en interne à ses salariés (lorsque cela est possible) et les accompagner dans cette mobilité s’inscrit dans l’expérience collaborateur tant recherchée aujourd’hui.
Les collaborateurs sont en quête de sens au travail, ils ont besoin de reconnaissance, d’être écoutés et rassurés sur leur avenir professionnel, ils ont envie de faire partie d’un projet d’entreprise. Ils ne souhaitent pas rester enfermés dans une mission mais cherchent au contraire à développer leurs compétences et acquérir de nouvelles responsabilités.
En ce qu’elle permet de répondre à ces besoins, une mobilité interne bien menée est un gage indéniable de stabilité au sein de l’Entreprise. Selon une étude Hays de 2021, 60% des collaborateurs préfèreraient bénéficier d’une mobilité interne plutôt que d’avoir à rechercher du travail en externe.
Mais, si elle n’y répond pas, l’Entreprise se retrouve face à un collaborateur désengagé qui soit restera dans l’entreprise mais sans plus aucune volonté de s’y impliquer (la fameuse « démission silencieuse » ou « quiet quitting »), soit quittera le navire pour aller chercher du travail ailleurs ou développer un autre projet professionnel.
On estime que le turnover diminue de 59% dans les entreprises qui investissent dans l’engagement collaborateur. Lorsqu’on sait que le coût de remplacement d’un salarié représente entre 6 et 9 mois de salaire, on se dit que beaucoup d’employeurs auraient un grand intérêt, ne serait-ce que sur le plan économique, à travailler ce point.
Revenons d’ailleurs sur cette notion d’engagement collaborateur, il désigne le degré d’implication et d’attachement du salarié à contribuer à la croissance de l’entité dans laquelle il travaille : un salarié engagé a la volonté de faire avancer son entreprise, il est positif, motivé et fortement impliqué.
Une étude menée par Gallup en 2017 a instauré, à l’image de la pyramide de Maslow qui classe les besoins de l’Homme par ordre importance, une pyramide de 4 étages représentant les 4 piliers fondamentaux de l’engagement collaborateur.
A sa base, on trouve « les besoins de base » du collaborateur, c’est-à-dire ce qui est en lien avec le poste qu’il occupe, ses missions. Ensuite, intervient le « support et management » qui fait référence à l’aspect hiérarchique de l’entreprise et aux conditions de travail puis le « travail en équipe » qui porte sur l’aspect humain de l’entreprise et les relations. Enfin, au sommet de la pyramide, on retrouve le dernier pilier, « la progression » liée à la capacité d’évolution du collaborateur au sein de l’entreprise.
A mon sens, cette notion de « progression » peut être interprétée de façon large :
- Un collaborateur souhaite améliorer sa rémunération et/ou avoir plus de responsabilités sans changer de métier, pourquoi ne pas lui proposer une mobilité interne verticale (ou fonctionnelle) ?
- Un collaborateur souhaite, au contraire, changer de métier sans forcément évoluer en hiérarchie, pourquoi ne pas lui proposer une mobilité interne horizontale ?
- Un collaborateur a l’envie de changer d’environnement, de lieu de travail, de région, voire de pays, alors il pourrait être opportun, le cas échéant, de lui proposer une mobilité interne géographique (verticale ou horizontale).
On le voit, la mobilité interne permet de répondre de façon adaptée aux besoins variés des collaborateurs et, par conséquent, maximiser les chances de les garder engagés (et donc performants) et éviter de les voir quitter l’entreprise.
Mais faut-il encore que cette mobilité interne soit mise en œuvre de façon effective et efficace !
La mobilité interne, un gage de stabilité conditionné.
Selon une étude MyRHline, en 2022, seulement 53% des entreprises déclarent disposer d’un processus de mobilité interne et, sur ces 53%, seules 54% ont un processus clairement établi et communiqué auprès de tous les salariés. 16% d’entre elles ont encore un dispositif informel et confidentiel, 16% l’ont clairement établi et communiqué mais pour certaines catégories de salariés, etc.
On est encore loin du compte !
Prôner la mobilité interne au sein de son Entreprise, c’est un bon début, mais ce n’est largement pas suffisant pour qu’elle puisse être bénéfique.
Les collaborateurs souhaitant évoluer, acquérir de nouvelles compétences ou responsabilités ou encore changer de lieu de travail ne se tourneront vers leur employeur plutôt que vers une autre entreprise que si ils sont informés du dispositif de mobilité interne, convaincus de son efficacité et assurés qu’ils seront soutenus tout au long du processus.
Alors, quelles sont les clés pour rendre une politique de mobilité interne efficace et engageante pour les salariés ?
1/ PREPARER : on ne construit un bon dispositif que sur des bases solides. Il faut connaitre les métiers de son Entreprise, les compétences requises ainsi que les compétences existantes, savoir identifier les aspirations des salariés et anticiper les postes à pourvoir. C’est également préparer les collaborateurs à potentiel à cette mobilité en leur proposant un parcours de formations adapté.
2/ COMMUNIQUER : il faut informer de façon claire et transparente notamment sur :
- les possibilités d’évolution de carrière (73% des salariés souhaitent en être informés mais 20% considèrent qu’ils n’ont pas accès aux offres), la visibilité et l’accessibilité aux opportunités de postes étant 2 conditions essentielles pour créer un cadre propice aux mouvements internes … plutôt qu’externes,
- les critères utilisés pour évaluer les candidatures internes : ils doivent être objectifs afin d’éviter toute partialité ou discrimination,
- les différentes étapes du processus,
- les attendus du poste à pourvoir, ses missions, son périmètre, etc.
Très souvent, les Entreprises formalisent leur politique de mobilité interne via l’établissement d’une Charte garantissant la transmission de l’ensemble des informations aux collaborateurs concernés.
3/ IMPLIQUER toutes les parties prenantes dans le processus : la Direction, les RH, les managers et, bien entendu, les collaborateurs eux-mêmes qui doivent devenir des acteurs de leur évolution. La mobilité interne ne peut pas être la seule affaire des RH mais doit s’ancrer dans une dynamique globale, une véritable culture d’entreprise.
4/ ACCOMPAGNER et SOUTENIR le collaborateur tout au long du processus : en préparation de sa mobilité interne, on l’a dit, mais également une fois celle-ci effective via un programme de « crossboarding ». En effet, c’est tout l’environnement professionnel du salarié qui évolue : ses missions et, le cas échéant, ses responsabilités, mais également ses collègues et son manager, éventuellement son lieu de travail, etc. L’accueil et l’intégration dans son nouveau poste ne doivent donc pas être pris à la légère.
Dans le cas d’une mobilité interne géographique, c’est-à-dire avec changement de lieu de travail, cela peut être également tout son environnement personnel qui change et auquel lui, et le cas échéant sa famille, va devoir s’adapter. L’arrivée dans une nouvelle région, voire d’un nouveau pays, le déménagement, la recherche d’un logement, l’intégration dans un univers souvent inconnu, autant de sujets essentiels sur lesquels le collaborateur va devoir être également accompagné. A défaut, il y aurait le risque que le collaborateur, au départ engagé, motivé à l’idée de prendre un nouveau poste, s’essouffle à devoir gérer, en plus de ses nouvelles fonctions, des questions pratiques dans sa vie privée et familiale et/ou vive mal son intégration et celle de sa famille dans son nouvel environnement, etc. et se sente ainsi abandonné par son Entreprise.
Conclusion
La mobilité interne constitue donc bien une garantie de stabilité des collaborateurs au sein de l’Entreprise, en ce qu’elle permet de les garder engagés et leur donne envie de s’impliquer sur le long terme.
Mais, pour que cette mobilité interne produise des effets vertueux, cela va nécessiter également un engagement et une implication du côté de l’Entreprise.
En effet, elle ne doit pas être déployée de façon incomplète ou inadaptée et doit faire l’objet d’un suivi et d’un soutien de l’Entreprise envers les salariés évoluant en son sein.
Dirigeants/RH, qu’en pensez-vous ?
Avez-vous mis en place un dispositif de mobilité interne ? si oui, le trouvez-vous efficace pour fidéliser vos Ressources Humaines ?
Si vous ne disposez pas de ce type de dispositif, quelles en sont les raisons ? les freins ?